dimanche 31 janvier 2010
A BOUT DE SOUFFLE - 1959
« A Bout De Souffle » fait table rase de la psychologie, de la sociologie, de la logique, de la morale et bien sûr, du cinéma traditionnel.
Scarface…
Le ton alerte du récit, la décontraction des personnages, les private jokes, les impros, les tournages à la sauvette en prise directe sur l’événement, une caméra dissimulée aux regards, tout cela donne une impression de renouveau complet de matière et de manière filmiques.
Le producteur trouvant le film trop long, Godard eut l’idée de modifier son montage en coupant dans chaque séquence, gommant les temps morts, escamotant les transitions. D’où ce ton syncopé, électrisant.
"I don't know if I am unhappy because I am not free, or I am not free because I am unhappy"...
Avec « A bout de souffle », Godard se joue des firmes américaines et viole librement le code Hayes, code d'autocensure en vigueur à Hollywood jusqu'en 1966 et montre des gros plans de lèvres qui se joignent ou encore une tâche de sang évoluer dans le dos de Michel.
Contre-indication absolue au cinéma, le long monologue face caméra se termine par un superbe
« allez vous faire foutre », ceci matérialise l’indifférence définitive des artistes de la « Nouvelle Vague ».
On ose tout, quitte à ne pas plaire.
Film noir
Le film est dédié à la « Monogram Pictures », firme américaine spécialisée dans la production de films « noirs ». Les signes distinctifs s’accumulent sur différents modes : Allusions, citations, hommages, emprunts :
Présence d’affiches de films avec Palance et Bogart, de salles de cinéma, du cinéaste Melville, bandes son ("Whirpool" de Preminger et "Westbound" de Boeticher), private joke ( Poiccard refuse d'acheter « Les cahiers du cinéma »), gestes et imitations de Bogart.
« Entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin »
Patricia : « Quel est le pays le plus intelligent du monde ? » Parvulesco : « La France. » Patricia : « Est-ce que vous aimez Brahms ? » Parvulesco : « Comme tout le monde, pas du tout. » Patricia : « Et Chopin ? » Parvulesco : « Dégueulasse. » Patricia : « Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? » Parvulesco : « Devenir immortel. Et puis, mourir. »
Chambre 12, Hôtel de Suède
Des Champs Elysées à Montparnasse, la chambre 12 de l’Hôtel de Suède à Saint-Michel reste toutefois l’épicentre : Scènes de théâtre, scènes d’amour, scènes de ménage, ce lieu est l’emblème du film.
Fait divers
François Truffaut s'est inspiré d'un fait divers l'ayant marqué pour proposer le sujet à Jean-Luc Godard. A partir de cette histoire, Godard a tissé un scénario alliant un récit éclaté, un regard quasi-documentaire sur Paris.
Jazz
Pour la musique, Godard fait appel à Martial Solal.
Paris
« A Bout De Souffle » est un guide jubilatoire du savoir-vivre Parisien :
Quand un passant demande du feu à Belmondo, il ne lui prête pas son briquet, il lui donne de l’argent pour aller s’acheter une boîte d’allumettes. Quand il prend un taxi, il lui hurle dessus quand une voiture moins rapide passe devant. Pour un rendez vous avec son amie, il vole une décapotable américaine 5 minutes avant, prétextant que son coupé est en panne…
Film tourné en muet
Le film est tourné en muet le plus souvent caméra à la main et avec un minimum d'éclairage.
Le choix de tourner en muet, était contradictoire avec les principes esthétiques des cinéastes de la « Nouvelle Vague » qui deviendront, dès 1962, quand l'évolution des outils le permettra, de fervents adeptes du son direct.
Le Nagra, premier magnétophone portable, existe depuis 1958, mais il était encore difficile, sinon impossible, de tourner en décor naturel et en son synchrone, en 1959 à cause de l'encombrement des caméras 35 mm. Les seules caméras qui pouvaient permettre de tourner en son synchrone étaient de grosses caméras de 80 kilos avec lesquelles il était impossible de travailler à la main.
Les cinéastes de la « Nouvelle Vague » utilisent presque tous la caméra fabriquée par Coutant-Mathot depuis 1947, la Cameflex, caméra légère et peu encombrante mais très bruyante qui rendait à peu près impossible toute prise de son directe.
Film tourné sans éclairages additionnels
Il existait déjà une pellicule noir et blanc ultra rapide par rapport aux normes de l'époque, la Gevaert 36 dont l'esthétique préfigure celle de la « Nouvelle Vague ».
Godard décide d'utiliser cette pellicule pour les scènes de jour et trouve une pellicule encore plus sensible pour les scènes de nuit.
Il sait que les reporters utilisent des pellicules noir et blanc plus sensibles que les pellicules cinéma.
Coutard lui parle ainsi de l'Illford HPS fabrique en Angleterre. Mais la HPS n'existe pas en pellicule cinéma, seulement en petits rouleaux de 17,50 mètres. Godard décide de les coller pour obtenir des bobines films et d'utiliser la caméra dont les perforations se rapprochent le plus de celles du Leica qui se trouve heureusement être la Cameflex.
Godard obtient, en plus, que ses pellicules soient développées avec un révélateur spécial qui double la sensibilité de l'émulsion. Les laboratoires GTC de Joinville possèdent heureusement une machine supplémentaire désaffectée qu'ils acceptent d'utiliser pour Godard.
La technique de reportage est totalement acceptée par Coutard, ancien reporter de guerre, opérateur de films produits par Beauregard et qui n'a pas de compte à rendre avec la corporation et accepte de tourner le mieux possible dans des appartements de fortune poussant parfois seulement l'éclairage d'origine.
Pas de pied de caméra ou de pied de projecteurs mais travelling soit sur les Champs Elysées avec un tricycle de facteur camouflé pour passer inaperçu soit lorsque les intérieurs sont suffisamment lisses, avec un fauteuil de paralytique qu'il pousse parfois lui-même. Travelling en 2CV sur le sol pourtant pavé lors de la dernière scène.
Tourné en 21 jours utiles entre le 17 août et le 19 septembre 1959
Le film est tourné au jour le jour mais sans improvisation, Godard remettant le texte au dernier moment le faisant évoluer au jour le jour.
Censure
Le 2 décembre 1959, la commission de censure interdit le film au moins de 18 ans. L'interdiction sera levée en 1975. « Tout dans le comportement de ce jeune garçon, précise le rapport, son influence croissante sur la jeune fille, la nature du dialogue, contre-indique la projection de ce film devant des mineurs ». Une coupure est demandée, celle qui montre les présidents Eisenhower et De Gaulle remontant en voiture les Champs-Elysées. La commission a toujours jugé inopportune, la représentation dans les films, de chefs d'état ou de chefs de gouvernement en fonction.
Le film sort le 16 mars 1960 dans quatre salles grand public et connaît un succès public immédiat malgré l'interdiction aux moins de dix-huit ans pénalisante.
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