Un amoncellement de baraquements pourris dans un paysage reculé, grisâtre et boueux. Bienvenue dans le Stalag 17, un camp de prisonniers américains érigé en Allemagne en cette année 1944 et dirigé par le commandant Oberst von Scherbach (Otto Preminger). Une franche camaraderie s’est développée entre les soldats grâce à l’affabilité du chef de baraquement Hoffy. Et la troupe, inspirée par les frasques de Stosh et son copain Harry, s’acquitte tant bien que mal du quotidien en y allant de maintes pitreries envers les gardiens et les officiers du camp. Le moral est toutefois à plat suite à l’évasion ratée de deux compatriotes abattus sans cérémonie lors de leur tentative. De plus, l’interrogatoire serré subi par le lieutenant Dunbar, responsable d’une opération de sabotage, laisse planer le doute sur la présence d’un informateur parmi les pensionnaires du Stalag. Responsables de la bonne marche des opérations illicites, les soldats Duke et Price jettent rapidement leurs soupçons sur la personne du sergent J.J. Sefton, officier rusé et combinard menant une existence de confort relatif envers et contre tous et n’hésitant pas à faire du troc avec les Allemands pour s’assurer de certains privilèges. Sefton clame malgré tout son innocence dans cette affaire, mais la tension monte alors que Dunbar est menacé d’être envoyé à la Gestapo... autrement dit vers une mort certaine.
Adaptation de la pièce Donald Bevan et Edmund Trzcinski ayant connu un grand succès sur les planches de Broadway, Billy Wilder nous offre probablement avec STALAG 17 son film le plus intrigant, à mi-chemin entre la comédie bouffonne et le drame le plus pessimiste qui soit. STALAG 17 est sûrement un des portraits les plus caustiques et cyniques qu’il nous ait été donné à voir sur les effets néfastes de la guerre sur la psyché collective. Il est d’ailleurs intéressant de noter la nature détachée du point de vue des observations faites par le narrateur, qui n’est autre que Cookie, le sous-fifre taciturne de Sefton, sur les péripéties se déroulant dans le stalag. C’est à ce niveau que Wilder se permet de conserver un équilibre fragile entre le drame et la comédie.
Tout d’abord, en opposant la nature opportuniste de Sefton, qui se définit lui-même comme un survivant, au code de l’honneur strict et sans vergogne entretenu par les autres prisonniers du camp, dont l’apparence de franche camaraderie loufoque laisse parfois transparaître un sentiment de béatitude collective semblant, du moins selon Sefton, les mener tout droit à leur perte. Ce n’est pas un hasard si le personnage de Sefton s’avère un contraste frappant avec le reste du tableau illustré par le récit. Holden joue ici entièrement son rôle comme s’il s’agissait d’un drame, y allant de son style habituel, sobre et sans fioritures, où, avec son allure dégingandée et ses yeux légèrement fatigués d’où parvient un regard perçant, dénué d’illusions, il parvient à illustrer parfaitement le statut de paria de Sefton.
Il semble d’ailleurs ici la seule personne douée de véritable raison face aux autres prisonniers en opposant son pragmatisme propre à son instinct de survie à ces personnages plus grands que nature et caricaturaux à souhait : Stosh, le soldat balourd et fort en gueule rendu de façon fort réjouissante par un Robert Strauss s’appropriant presque toutes les scènes où il apparaît; Duke, la brute suspicieuse, incarné par un Neville Brand égal à lui-même; Dunbar, le lieutenant aux allures de sauveur apparaissant ici sous les traits d’un Don Taylor ressemblant à s’y méprendre à Robert Ryan; ou bien Price, le jeune soldat sans peur et sans reproche, véritable archétype de l’idéal américain dont le rôle est tenu par un jeune Peter Graves, le futur Jim Phelps de la série MISSION : IMPOSSIBLE. Il reste quand même dans cette savoureuse bouillabaisse quelques grands moments de comédies dont seul Wilder a le secret, ne serait-ce pour la performance du duo formé par Robert Strauss et Harvey Lembeck. De plus, le célèbre réalisateur Otto Preminger s’avère cocasse à souhait dans le rôle du commandant von Scherbach, nous gratifiant de la célèbre séquence de l’appel de Berlin qui est tout simplement à hurler. Billy Wilder mène le tout avec une solide et brillante mise en scène bien supportée par la caméra très mobile et nerveuse du chef-opérateur Ernest Lazslo et un montage sans temps morts de George Tomasini, faisant de STALAG 17 un des meilleurs films de guerre du cinéma américain.
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